Résultats socio-économiques et politique au regard de l’amendement ou changement constitutionnel
- Ret Enfòme
- 21 juin 2020
- 5 min de lecture

écrit par: Raynold CANTAVE
Depuis 29 mars 1987, la notion de la constitution, prise dans une perspective démocratique est présente de manière régulière dans la vie politique et juridique de la population haïtienne. Cette mutation ne vise pas seulement d’établir une rupture avec la grande période dictatoriale qu’a connu le pays. Mais, celle-ci vise d’une manière fondamentale la mise-en-place d’un système politique devant charger de protéger les droits et libertés des haïtiens et haïtiennes et elle doit aussi contribuer à empêcher toute forme de retour à une dictature présidentielle (Constitution haïtienne, 1987). Cette perspective montre à quel niveau qu’on voulait donner naissance à un projet social qui ait comme sous-bassement une formation sociale juste et équilibrée où chacun des individus aura à jouer pleinement leurs rôles tout en respectant les valeurs et les prescrits démocratiques.
Pour plus d’un, les résultats socio-économique et politique mitigés qu’on acquiert au cours ces dernières décennies sont liés à un problème constitutionnel, et selon les tenants de ce courants, le plus nécessaire c’est d’amender ou changer la constitution actuelle. Ce, qui selon notre avis, n’est pas le cas. Les résultats mitigés obtenus, sont de l’ordre du mauvais comportement politique des acteurs politiques haïtiens. En effet, le leitmotiv de cet article consiste à faire ressortir l’enjeu que revête la constitution du point de vue générale et ensuite de montrer les enjeux avantageux que la population haïtienne pourrait obtenir si l’on fait d’elle, la base fondamentale de ses actions.
Le contexte de l’émergence de la constitution.
Se référant au contexte de l’émergence de la constitution, cela présuppose de faire l’historicité de cette notion. En effet, il est remarqué que la notion de la constitution fait référence dans des textes de seizième siècle et va connaitre son extension au dix-huitième siècle (Jean François Aubert : 17). Ainsi, Montesquieu serait probablement le premier à attacher le mot au nom d’un pays « de la constitution de l’Angleterre » dans de l’esprit des lois de 1748. Et, avec Rousseau, le mot tient sa signification essentiellement juridique de « plan de gouvernement » (Jean François Aubert : ibid.). Quelque temps après, dans le Traité de droit des gens d'Emer de Vattel (1757), un ouvrage de droit international, on va parler de constitution de l’Etat, laquelle sera définie comme « Le règlement fondamental qui détermine la manière dont l'autorité publique doit être exercée » dans cette vision, se voit la forme sous laquelle la Nation agit en qualité de corps politique. Supporter par un mouvement intellectuel, le constitutionnalisme devient un courant qui domine l’Europe occidentale et l’Amérique du nord tout au long du dix-septième et dix-huitième siècle et prônant l’existence d’une constitution qui doit être un document écrit, qui règle et limite le pouvoir des autorités. Elle doit être le produit de la volonté collective des citoyens, et aussi supérieure aux autres lois ordinaires. Bref, elle doit garantir le bonheur des citoyens qui la composent. Sur ce jour, Hürgen Habermas préconise que cette quête du bonheur collective doit être co-construite de manière intersubjective et rationnelle au regard de l’éthique et d’une parfaite communication.
Les enjeux constitutionnels en Haïti.
Etant qu’un instrument à travers lequel on fonde le système juridique et politique d’un l’ETAT. La constitution répond pour l’essentiel aux impératifs d’une rationalité de type instrumental et stratégique au sens qu’elle doit tracer rationnellement les voies procédurales d’une action en vue d’une fin, et s’assurant également que cette fin soit compatible avec le système des fins licites (Jean-Marc FERRY, 1991). Vu sur cet angle, Max Weber parle de rationalité téléologique et rationalité stratégique (Jean-Marc FERRY, ibid.). Ainsi, Jörg Gerkrath soutient que la constitution a comme fonction d’intégrer les individus, de protéger les libertés individuelles et d’organiser les actions du pouvoir politique dont elle assure sa fondation, sa légitimation à travers le suffrage universel, sa distribution, son contrôle et ses limites (Jörg Gerkrath, 2009) .
En revanche, comme nous venons de l’expliciter au-dessus, la mise en place d’une constitution en Haïti devrait parcourir une telle démarche dans le souci de refléter la volonté générale du peuple haïtien et du point de vue globale d’assurer une meilleure reconnaissance de tous. De nos jours, malgré la présence de cette constitution qui prend siège dans la formation sociale haïtienne, ça fait déjà 31 ans, on constate que les problèmes socioéconomiques et politiques persistent sans ambages, l’instabilité sur toutes les formes règne dans le pays. Notre réalité électorale reste toujours troubler, le principe de l’alternance politique stable demeure encore dans son idéale, absence des infrastructures de biens et de services de base est de plus en plus récurrente et visible dans le corps social haïtien. Ce, qui est, sans nul doute pour nous, le reflet du mauvais comportement des dirigeants politiques du pays. Il est également le reflet de l’incapacité totale de ces dirigeants à administrer les choses publiques. Par ailleurs, d’après la constitution de 1987 amendée, il est révélé qu’on a déjà, dans l’histoire d’Haïti, utilisé 22 constitutions, pourtant la situation socio-économique du pays demeure jusqu’à présent très critique et instable. Sur ce jour, Fred Doura chasse son absence dans le jeu en soutenant l’idée selon laquelle « L’impunité des dirigeants, qui tuent, qui violent, qui volent, qui emprisonnent, qui bâillonnent, qui torturent, qui assassinent, qui bannissent en Haïti, est une plaie, qui constitue l’un des problèmes majeurs du dysfonctionnement de cet État-Nation, particulièrement du système judiciaire, assujetti au Petit Chef, qui n’arrive pas à remplir sa fonction normale, ( Fred Doura, 2015) .A l’aune de cette approche historique, Est-il juste et sensé de soutenir l’idée selon laquelle Haïti a besoin une nouvelle constitution pour prendre la voie du progrès ?
Ce qui nous permet de soutenir, en levant de rideau que la résolution des problèmes auxquels fait face le pays n’est pas de l’ordre ni d’amendement, ni de changement de la constitution à répétition, mais plutôt dans l’ordre d’une volonté généralement manifeste d’appliquer à la lettre les normes et les textes juridiques déjà établis. Et ceci, cela doit commencer de haut vers le bas, c’est-à-dire, les autorités doivent respecter scrupuleusement les normes juridiques et ensuite, ils seront suivis par les citoyens. Et, revient à dire, sur cet angle, ce ne sont pas les citoyens qui doivent, au premier niveau, se verser au respect des normes juridiques existant dans le pays, mais plutôt les dirigeants du pays. Car leurs mauvais comportements à l’endroit des normes pourraient tout éclater et vandaliser. Encore Doura, pour appuyer et renforcer notre argument, reprend les propos de Galéano qui affirme que « Pour que l’histoire ne se répète pas, il faut sans cesse la remémorer ; l’impunité qui récompense le délit encourage le délinquant. Et lorsque le délinquant, c’est l’État, qui viole, vole, torture et tue sans rendre des comptes à personne, alors il donne lui le feu vert à la société entière pour violer, voler, torturer et tuer. Et la démocratie en paie, à la longue ou courte échéance, les conséquences » ( Doura, ibid)
En effet, nous n’occultons pas le rapport démiurgique existant entre l’être haïtien et sa volonté d’amender ou de changer sa constitution dont plusieurs éléments pourraient être la cause, tels que: la dynamique sociale, l’obsolescence partielle du texte, etc… Cela ne pourra pas être l’activité d’un petit groupe. Mais plutôt, cela doit être le reflet d’un constat d’une applicabilité infertile d’un texte juridique, d’un article etc…par la volonté générale et, de manière consensuelle on s’entend à l’amender ou à éditer un autre texte.
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